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Star Trek Sans Frontière
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Interview de Robert O'Reilly

Lors de la quatrième saison de Star Trek : La nouvelle génération, nous faisions la connaissance d'un nouveau Klingon d'importance : Gowron. Le futur dirigeant de l’Empire était interprété par Robert O'Reilly, qui nous explique la détermination de son alter ego à préserver la pureté Klingonne.

Robert O'Reilly, surnommé Bob, aurait pu décrocher pratiquement n'importe quel rôle dans STNG avant d'être choisi pour incarner Gowron. Lors de la troisième saison, il avait auditionné pour cinq à six rôles, mais à chaque fois, son physique ne semblait jamais correspondre tout à fait au personnage. Bob n'en fut pas vraiment chagriné. A ses yeux, les auditions ratées font partie du lot d'un acteur. Puis, pendant la quatrième saison, son agent l'a rappelé en l'informant qu'il « avait une ouverture ». Étant un fan du Star Trek Classique, il savait que le personnage devait être un Klingon et, cette fois, il désirait désespérément décrocher le rôle.

Bob se souvient d'avoir été quelque peu surpris en découvrant les deux scènes de l'audition.

O'Reilly : « Elles m'ont paru très bizarres. J'étais habitué à voir des Klingons brailler et dans la première scène, Gowron semblait très songeur... Puis il y avait cette séquence où il perdait complètement la tête... Pour des auditions théâtrales, de manière typique, on vous demande de préparer plusieurs facettes d'un même personnage, afin de pouvoir juger de l'étendue de votre palette artistique. Dans Star Trek, beaucoup d'acteurs viennent du théâtre. Je suis donc certain que les producteurs comme les réalisateurs étaient rompus à ce type d'approche. Voilà pourquoi les scènes étaient si différentes. En tout cas, je me suis présenté et j'ai commencé par être tour à tour machiavélique, réservé, analytique, méfiant envers les Humains... Bref, j'ai sans doute été ennuyeux à mourir! Mais la seconde scène était beaucoup plus typique et je me suis complètement lâché. J'ai dû flanquer une belle trouille à mes juges, d'ailleurs! Ils m'ont cru fou à lier et j'ai décroché le rôle. »Fleche retour haut

Gowron

Au sujet de Gowron, les instincts de Bob ne l'avaient pas trompé. Il s'agissait d'un Klingon nettement atypique. Le script expliquait que ce prétendant à la succession de K'mpec, à la tête de l'Empire Klingon, était au contraire de Duras un outsider ayant défié l'ordre établi.

Pour se préparer au rôle, Bob avait concocté sa propre version du passé de Gowron, une démarche qui avait son importance dans la mesure où cela lui donnerait une idée des réflexions de Gowron face au fourbe Duras ou à un Humain comme le Capitaine Picard.

O'Reilly : « J'ai créé un arrière-plan psychologique pour mon personnage. Ce Klingon énigmatique semblait surgir de nulle part. Puisqu'il s'était exilé de l'Empire, j'ai décidé qu'il avait dû se frotter aux Humains par le passé. J'ai eu l'occasion de rencontrer des pirates, sur Terre, et leur malveillance foncière m'a laissé sans voix... Pour des Klingons, le mal à l'état pur, c'est le manque d'honneur. Or, les Humains ne sont ni des guerriers ni des êtres honorables. »

Dans le secret de ses pensées, Bob avait aussi fait le rapprochement entre Gowron et un personnage shakespearien avec lequel il semblait avoir beaucoup en commun.

O'Reilly : « D'entrée de jeu, c'était l'outsider typique, et j'ai en fait puisé mon inspiration sur une version d'Edmond, dans Le Roi Lear. On avait gravement spolié mon personnage dans sa jeunesse, d'un point de vue psychologique, et il entendait bien rentrer dans ses droits. L'approche d'Edmond, c'est du style: "d'accord, je suis un bâtard, et j'ai le mal dans la peau, mais personne ne me privera de mon héritage, et je serai roi ! " A mon sens, Gowron aussi est un personnage d'une folle arrogance aux prétentions héroïques. Sans être aussi porté au mal qu'Edmond, il ne reculera devant rien pour parvenir à ses fins. Et j'adorais retrouver dans mon nouveau rôle des échos de l'Edmond que je venais d'interpréter deux ou trois mois plus tôt... Le parallèle s'imposait ! »

Michael Westmore

Naturellement, à ce stade, Bob ne se doutait pas que son personnage serait appelé à revêtir une telle importance. De manière typique, les producteurs ne dévoilent pas leurs intentions aux acteurs, pour l'excellente raison qu'ils changent souvent d'avis de toute façon. Mais d'autres indices amenèrent Bob à penser que Gowron reviendrait sur le devant de la scène.

O'Reilly : « Certains détails m'incitaient à croire que ce rôle serait essentiel, en raison du maquillage et du costume notamment. J'en ai parlé à Michael Westmore, qui m'a confirmé la volonté de faire de Gowron un exemple unique en termes de maquillage. Dans ce cas, mon personnage prenait bien sûr une certaine importance, et serait probablement le nouvel Empereur des Klingons. »

Pour jouer un Klingon moderne, le maquillage est essentiel. Cela ne manque d'ailleurs pas d'intérêt dans la mesure où, selon Bob, cela permet à un acteur d'en faire plus que ce qu'on pourrait croire.Fleche retour haut

O'Reilly : « Les Klingons sont des personnages shakespeariens, plus grands que nature... Or, adapter Shakespeare au cinéma et l'adapter au théâtre sont deux démarches très différentes. Sous ce costume et ce maquillage, on peut opter pour n'importe quelle approche et s'en sortir avec les honneurs. On peut surjouer, être plus grand que nature sans que la caméra puisse trahir les défauts... Quand j'interprétais Gowron, il n'y avait guère de place pour la subtilité. Parfois même, je manquais de place ! »

Si passer des heures en loge de maquillage n'avait rien de drôle, Bob avoue avoir rencontré en réalité plus de difficultés avec le costume et la perruque qu'il devait porter.

Robert O'Reilly

O'Reilly : « La tenue était trop moulante pour être confortable. Avec la sudation due à une chaleur excessive, j'arrivais à perdre presque cinq kilos par jour ! Et si je tournais la tête trop vite, des mèches de cheveux volantes restaient collées sur mes yeux ! Le réalisateur était obligé de couper... Très drôle ! »

Plusieurs éléments essentiels de l'interprétation de Bob se mettaient en place dès l'instant où il arrivait sur le plateau de tournage, pas avant. L'acteur en attribue d'ailleurs tout le mérite à Jonathan Frakes, le réalisateur de « Réunion », qui l'a aidé à trouver ses marques. Par exemple, une des caractéristiques les plus insolites de Gowron était son regard perçant.

O'Reilly : « Dès que je me présentais, Frakes me parlait de mes yeux, en insistant pour que je refasse "mon truc" ! Évidemment, j'ignorais de quoi il parlait puisqu'on peut difficilement se voir soi-même ! Mais j'ai tout de même fini par comprendre. J'ai dû ensuite convaincre beaucoup d'autres réalisateurs qui n'avaient pas forcément la même approche. Frakes est un réalisateur vraiment merveilleux ! Il a aussi sélectionné J. G. Hertzler dans le rôle de Martok et nous le surnommons le "Grand Découvreur de Klingons" ! Jonathan travaille beaucoup en collaboration avec les acteurs, qu'il sait écouter. En constatant que j'avais un sens de l'humour assez tordu, il a estimé que je pourrais insuffler ce trait de caractère à mon personnage. Il m'a encouragé dans cette voie et je me suis beaucoup amusé. Avant cela, aucun Klingon n'avait fait preuve d'humour. C'était assez nouveau comme approche. Worf était sinistre à souhait, alors que Michael peut être très drôle au naturel. Et certaines de ses lignes de dialogue, prises hors contexte, deviennent vite hilarantes, Gowron, quant à lui, était différent de par son sens de l'humour. Un trait de mon propre caractère utilisé à bon escient. Dans ce type de rôle, beaucoup d'acteurs ne recourent jamais à l'humour. Alors qu'en l'occurrence, cela rendait Gowron plus intelligent, et du coup, le public s'amusait beaucoup plus. »

Picard et Gowron

Un autre facteur ayant eu une influence énorme sur l'interprétation de Bob, c'était son interaction avec ses collègues, les autres acteurs. Il déborde de louanges pour les scripts ayant mis Gowron en scène, qu'il qualifie de « spectaculaires ». Mais il ajoute que tout ce que fait un acteur a beaucoup à voir avec l'attitude qu'il donne à son personnage plutôt qu'avec son texte, simplement.Fleche retour haut

O'Reilly : « Les lignes en elles-mêmes ne veulent rien dire. C'est le sujet sous-jacent qui fait tout. L'autre acteur ou l'autre personnage influence toujours la façon dont vous abordez votre prestation, et différents personnages feront ressortir différents éléments sous-jacents. Pour STNG, la plupart du temps, j'étais avec Patrick [Stewart], qui est un acteur tellement merveilleux et généreux ! Tant de facteurs entraient en jeu quand j'avais affaire à Picard... Le public ne percevait certainement pas tout, à mon avis. Gowron est très machiavélique de nature. II essaie de découvrir où ces Humains se trouvent dans l'univers et de quelle façon les Klingons devraient traiter avec eux. Je ne faisais pas cela pour moi, mais pour l'Empire Klingon. En réalité, peu de mes compatriotes avaient eu l'occasion de se frotter aux Humains. Je devais donc expliquer à mes subordonnés la meilleure manière de les attaquer, dans quelles circonstances leur faire confiance, dans quelles autres se méfier d'eux et quel style de combat ils favorisent. Avec Picard, Gowron ne savait pas trop sur quel pied danser. Son pouvoir le fascinait. Si vous suivez attentivement l'action, et si j'ai fait correctement mon boulot, vous remarquerez que je le suis toujours du regard pour percer à jour ses faiblesses et prendre bonne note de ses atouts. J'ai l'esprit militaire avant tout. Avec Worf, la matière sous-jacente était très différente. Mon souci était de l'effrayer, de le dominer, de l'amener à changer pour devenir plus Klingon que les Klingons... Je devais m'imposer à lui. Face à Worf, j'essayais constamment de l'intimider. Au contraire de Picard. Ou juste un instant, pour voir sa réaction... Et mieux juger des forces et des faiblesses du capitaine de Starfleet. Je cherchais sans cesse à le déchiffrer, non pas pour le présent mais au nom de l'avenir, au cas où je l'aurais comme adversaire. »

Bob ajoute que, de son point de vue, Gowron était hanté par ses doutes à propos des Humains et par son désir de préserver la pureté raciale de son peuple dans la mesure du possible.

Gowron et Worf

O'Reilly : « A mes yeux, c'est un héros. Mais en toute franchise, il déteste les Humains. Et il entend sauvegarder la culture Klingonne de l'influence Humaine insidieuse, des préoccupations sous-jacentes très intéressantes que personne n'a véritablement captées, je pense, mais peu importe. J'ai pu m'en prévaloir avec Worf et le déprécier chaque fois qu'il se retournait vers les Humains. Au contraire, quand il redevenait un pur Klingon, il en était grandement récompensé. »

Même si les deux personnages s'adressent à peine la parole, Duras a aussi influencé l'interprétation de Bob. Opposés en tout, Duras conspire avec les Romuliens pour s'emparer du pouvoir, alors que Gowron, par contraste, est résolu à préserver l'empire de toute influence étrangère.

O'Reilly : « Gowron voulait défendre la pureté raciale de ses guerriers. Dans le tout premier épisode de cette saga, celle à qui j'ai affaire [K'Ehleyr] est à moitié Humaine. Sans que ce soit précisé dans le scénario, j'ai décidé qu'aux yeux de mon personnage, elle avait tout d'un monstre! Voilà où en était arrivé l'empire sous le règne de K'mpec... Nous étions infiltrés par des étrangers avides de verser notre sang! Moi, je tenais à sauvegarder coûte que coûte la pureté de notre Empire. Et le vieux régime était en passe de balayer notre sens aigu de l'honneur... À cause des peuples étrangers qu'on laissait s'immiscer dans nos vies... Je devais sauver mes compatriotes. Et de mon point de vue, c'est exactement ce que j'ai fait. J'ai enrayé l'invasion ! »

La quatrième saison de STNG se terminait sur une guerre civile... Alors que Gowron tentait de prendre le pouvoir, le monde natal des Klingons basculait dans l'horreur. Dans les deux parties de « Rédemption », nous voyons Gowron opérer dans son propre territoire, et Bob était déterminé à en faire un extraterrestre parfaitement convaincant.Fleche retour haut

Gowron Empereur

O'Reilly : « J'ai toujours dû me maintenir en "mode Klingon". C'était essentiel du point de vue de mon personnage. Gowron adore tuer. Et faire tout ce que les Humains méprisent en général. Dans une de mes scènes, alors que je viens d'être intronisé Empereur, un type me défie déjà, au grand palais. Vis-à-vis d'un nouveau dirigeant Klingon, c'est tout à fait normal. Mais, Worf ne comprend pas cela. Il s'en mêle et je m'empresse de poignarder mon rival en le frappant sous le bras tendu de Worf... J'ai trouvé cela géant, notre officier de Starfleet, lui, est naturellement horrifié. Comment ai-je pu faire une chose aussi atroce me lance-t-il. Et je lui rétorque que nous sommes des Klingons, pas des Humains ! Voilà comment je procédais en fait. Je me plaçais délibérément en "mode Klingon", pas Humain.»

Et avant que la série ne se clôture, Bob refait une seule petite apparition dans « Héritier légitime », où il est confronté à un clone du plus grand Klingon de tous les temps : Kahless l'Inoubliable.

O'Reilly : « J'ai adoré jouer dans cet épisode, dit Bob. J'ai tourné en ridicule cette figure religieuse majeure de notre culture. J'en ai fait un objet de risée... Un peu comme dans Le Roi Lear. Le public m'a haï, mais j'étais en parfaite conformité avec mon personnage. »

En dépit de son enthousiasme pour l'histoire, Bob avait néanmoins deux problèmes avec elle.

Gowron et le clone de Kahless

O'Reilly : « J'ai toujours pensé qu'il aurait fallu en faire deux parties, car c'était un épisode fertile en rebondissements. Et le dénouement survient de façon trop abrupte. Comment justifier cette scène finale avec laquelle je n'étais pas du tout d'accord? Je devais rapidement trouver pour quelle raison Gowron irait s'agenouiller devant qui que ce soit... Ce n'est pas comme si j'avais eu toute une nuit pour y penser! J'ai eu royalement deux minutes... J'en ai discuté avec le réalisateur jusqu'à la dernière seconde, avant le tournage. Je lui ai répété que cela ne ressemblait pas du tout à Gowron, qu'il n'irait jamais s'incliner devant ce type... Mais bon... Tant que cela ne se déroulait pas sur le sol natal des Klingons, cela pouvait passer... »

En tout, Gowron a fait quatre apparitions dans STNG et Bob s'est délecté de chacune d'entre elles.

O'Reilly : « Je ne crois pas m'être jamais autant amusé avec un de mes personnages... »

Après la clôture de STNG, il a cru que c'en était fini de Gowron. Mais ainsi qu'il le découvrit par la suite, l'histoire était en réalité loin d'être terminée. Star Trek Deep Space Nine ouvrait un tout nouveau chapitre de l'histoire Klingonne, qui verrait Gowron vouloir à toute force conserver un pouvoir pour lequel il s'était tant battu…

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